Je crois que je suis née à … à Oxford, c’est ça. Et oui, je suis une petite anglaise. Je pense même que j’y suis restée jusqu’à mes huit ans, avant que mes parents et moi ne déménagions à Boston. Certes, aux Etats-Unis nous parlons la même langue qu’en Angleterre, et pourtant, je me suis très vite sentie dans un autre monde. L’atmosphère n’était pas du tout la même ici : elle était plus froide, oppressante et moins accueillante. C’est comme si quelque chose ou quelqu’un rôdait constamment dans les parages à vous observer, et ce sans aucun répit. Néanmoins je m’y fis au bout de quelques années : je m’y suis habituée, classant cet aspect comme initial à cette ville. Et j’étais très heureuse, extrêmement même. Je mis ce premier malaise sur le compte du changement, car il est vrai que reprendre tout à zéro n'est pas toujours facile. Mais pour rien au monde je ne serais retournée en Angleterre. « Hey, la petite anglaise ! » Mes surnoms à l'école ne me dérangeaient pas, ils ne faisaient que représenter crûment la vérité, n'est-ce pas ? Et quoiqu'ils en disent, ces petits américains-là m'ont adorée depuis le début. « Elle est rousse ! Mais ... Je l'aime bien Lexie, » avait confié à une amie un petit qui me taquinait. Enfin bref, tout ça pour dire que ma légèreté d'esprit plaît à beaucoup de monde (bon, je ne dis pas qu'un quart des gens que je connais se sent exaspéré par mon air folichon non plus).

Puis j'ai grandi, vieilli et mûri. Ce fut l'année de mes seize ans qui changea le plus ma vie, en fait. Notre déménagement n'avait rien été comparé à tout ça. Mon père tomba gravement malade, si bien qu'il restait alité nuit et jour avec à son chevet des tas des machines médicales. Ses médecins arrivaient à passer plus de temps avec lui que moi-même. « Ma Lexie, je t'aime ma chérie, tu le sais. » Sa respiration devenait chaque jour un peu plus difficile et ses paroles semblaient limitées. « J'ai à te parler sérieusement ... » Notre histoire. Comment aurais-je pu deviner à cet âge-là que ma famille n'était pas comme les autres ? Nous vivions dans une grande maison, peut-être plus, un manoir en fait. Il m'avait alors confié que se cachaient, dans un recoin ou un autre, des secrets : ce genre de secrets que seul un membre de la famille avait la permission d'en prendre connaissance. Alors je m'instruisis. Lorsque je rentrais des cours, je ne sortais pas avec des amis mais jetais plutôt sur les livre de nos bibliothèques, histoire d'en apprendre davantage.
« Des ... chasseurs ? » avais-je demandé à mon père quelques jours après. Le mot était tombé. Les Reid perpétuent cette tradition depuis des siècles et voilà que j'étais enfin entrée dans la confidence. Comment pouvais-je chasser des créatures surnaturelles ? « Tu es une fille, donc le nom des Reid ne peut durer. Néanmoins, tu respecteras nos coutumes en te liant à un chasseur. » Cette nouvelle n'était pas aussi bien passé que la première. J'avais toujours été ouverte à beaucoup de choses, à de nombreuses amitié, etc., mais jamais je n'avais eu de copain ni était tombée amoureuse. Et là, je venais d'apprendre que j'allais me fiancer sous peu et que j'aurais à tuer des monstres, génial ! Je n'avais pris cette histoire que pour un grand jeu de rôle qu'on pourrait trouver sur internet.
Ça n'a été que lorsque les Weever (ma nouvelle famille, si vous voulez) m'ont emmenée en chasse que j'ai réellement pris conscience de l'atrocité de la chose. Voir ces vampires et ces démons mourir et brûler sous mes yeux, jamais je n'aurais cru ça si ... monstrueux. Des fois, je me dis que les chasser ne sert à rien et que proposer des compromis pourraient être plus agréable ou même mieux, tout simplement. Mais l'agressivité de certaines de ces bêtes me ramène le plus souvent à la réalité : nous ne sommes pas dans un jeu. C'est une guerre pour la survie d'une espèce. La nôtre, ou la leur.